IN MEMORIAM


Gilles ENSUQUE

A Gilles, notre ami, notre compagnon de route, notre collègue de tarot.

Au début des années 90, nous étions Gilles et quelques autres à entrer en religion, en nous inscrivant au VCMB.
Au début, néophyte comme le moinillon qui arrive à l’école théologique, nous avions tout à apprendre, à découvrir, mais nous avions soif de connaissance, avide de nous approprier tout ce qui touche au monde du fou pédalant.

Lentement mais consciencieusement nous avons appris. Après les sorties de 100km, sont venu les 200km.
Mais rapidement, à ces courtes sorties il manquait quelque chose d’indéfinissable, ce grain de folie, ce frisson qui émeut, qui imprègne de manière indélébile toutes les fibres de nos corps.
Ce sont les randonnées sur plusieurs jours, en totale autonomie, immergé dans la France profonde, avec porte bagages et sacoches qui nous apportèrent la révélation, l’harmonie avec la nature, le bien être total, la sérénité, la plénitude mentale et physique.
Cela commença avec Charleville-Mézières, aller et retour en 1996, puis Bordeaux-Paris toujours en 1996, avec Gilles, auteur du fameux « Montigny on débâche », commandement à se dévêtir quand la pluie cessait, passé à la postérité.
Nous étions contaminés, car nous venions d’attraper le virus.
Cette passion, dévorante, continue de vivre chez beaucoup.

Mais pour Gilles, passionné parmi les passionnés, il manquait quelque chose, la coupe semblait ne pas être suffisamment pleine.
Au plus profond de lui, il devait penser que l’ultime frontière, la limite n’était pas atteinte, et qu’il se devait de l’atteindre.
C’est en participant à son premier Paris-Brest-Paris, Everest du randonneur, Nirvana du cyclo, qu’il assouvira cette quête en 1999. Il avait repoussé ses limites, connut le grand frisson de cette randonnée extrême, lorsque le corps et l’esprit ne font plus qu’un !
Enfin, il avait testé son corps, le poussant dans ses derniers retranchements, enfin il avait atteint la frontière, où le mental l’emporte sur le physique.

Devenu addicte au PBP, tous les 4 ans, Gilles enfourchait son destrier, et comme les chevaliers du 11 Siècle, partait en croisade contre lui-même, car sur PBP, pour réussir il faut d’abord se vaincre soit même.
Tous les 4 ans, Gilles, menait de front vie professionnelle, vie familiale, et la grande œuvre, exigeante, lors des phases de préparation, car les qualificatifs se font souvent au détriment des autres piliers de l’existence.
Il en sera ainsi en 2003 et 2007, comme en 2008 pour rallier Marostica en Italie, en découvrant la très haute montagne.
Après l’ablation de son poumon, il savait qu’il ne connaitrait plus le grand frisson sur son fidèle destrier.
Il en parlait (peu) avec un voile de nostalgie dans le regard, et d’une voix pleine d’émotion contenue.

En 2010, Gilles et quelques irréductibles se lançaient un nouveau défi, participer au World Tarot Tour, rencontres sur une année, un challenge de longue haleine, durant lequel, les muscles faciaux furent plus sollicités que les quadriceps sur une Flèche de France.
Cette épreuve devint un challenge prenant, avec stress, tension nerveuse, rires et ambiance conviviale. Bientôt des surnoms s’imposent, et Gilles sera surnommé Tréflo-man, ou King of trèfle, car le roi de trèfle appelé était plus que souvent entre ses mains.

Mais notre roi de trèfle vient de nous quitter, s’échappant pour toujours.

Nous garderons de Gilles, l’image d’un compagnon rieur, facétieux, malicieux, profondément humain et chaleureux, attachant, et toujours attentif aux autres.

Gilles, tu seras toujours avec nous lors de nos randonnées, car blotti au sein du peloton, il y aura toujours quelqu’un qui pensera à toi, même fugacement, toujours un cœur qui battra un peu plus vite en se souvenant des extraordinaires moments passés ensemble.

Adieu Copain.

Cricri

B. BIANCO